Nouvelle - 12/12/14

« Je ne me rendrai pas ! »

Ce sont les derniers mots que je l’ai entendu prononcer. Elle a simplement disparu ensuite. Personne n’est parvenu à la retrouver.

Quelques semaines ont passé. Comme promis, personne n’a pu faire le lien entre nous. J’ai fini par recevoir une lettre. Une simple lettre. Même si ce n’était pas son écriture, je savais qu’elle avait laissé un message caché.

Sa stratégie était simple à comprendre – elle avait fait en sorte qu’elle le soit. Elle avait simplement écrit un message supplémentaire à l’encre invisible sur une lettre écrite probablement par un de ses ‘amis’.

Le contenu :

« Tu sais que je ne suis pas responsable de ce qui s’est passé. Laisse-moi un peu de temps, que je puisse tirer cette affaire au clair. Tu es le seul sur qui je puisse compter, et j’ai confiance en toi. J’espère que tu comprends. »

Je suis pratiquement convaincu qu’elle savait qu’elle n’avait aucun besoin de demander. Néanmoins, j’apprécie l’attention. Cela veut aussi probablement dire qu’elle est dans une merde noire.

Pourquoi je la connais ?

La réponse n’est pas des plus glorieuses. Elle a sauvé mes miches en mission en neutralisant un type qui allait m’abattre. Le tout après être sortie de nulle part. Elle a aussi participé à l’arrestation de la personne que je devais mettre sous les verrous.

Je lui dois la vie mais même sans ça je l’aurais aidée. C’est idiot à dire, mais elle me semblait honnête dès le départ. Et je la trouve plutôt mignonne.

J’imagine que je vais attendre de voir son prochain mouvement.

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Je n’ai pas la moindre idée quant à l’identité de ce mec, ni de ce qu’il fout ici et encore moins pourquoi ce truand a une arme pontée sur lui. Par contre, il y a deux choses dont je suis certaine : il est hors de question que je laisse mourir quelqu’un, et ledit quelqu’un pourra certainement s’avérer utile.

Je me faufile dans le dos du méchant pour le mettre proprement hors jeu. L’autre ne comprend pas ce qui ce passe, à tel point que je dois lui offrir une main pour qu’il se remette debout. Pendant que je l’aide à se relever j’aperçois un insigne de police. Ceci explique cela.

« Merci, je vous dois la vie.
- De rien.
- Qui êtes-vous ?
- C’est pas important. Pour l’instant, je pense que nous partageons un objectif commun : supprimer l’enfoiré qui vit là-haut, et son affaire également. Tu peux me tutoyer au passage. »

Son expression faciale est assez drôle à voir. Il a compris mon ‘supprimer’ comme un ‘tuer’. Je corrige rapidement sa pensée.

« Désolée… Je devrais choisir mes mots avec plus de précautions. Je voulais dire ‘le rejoindre et l’arrêter en bonne et due forme’. Et c’est pas ironique.
- Je préfère ça. Vous avez un plan peut-être ? Parce qu’on perd du temps là.
- Commence par me tutoyer… Je suggère que nous suivions nos chemins respectifs. Tu veux faire la course jusqu’à lui ou tu préfères que je t’attende à chaque étage?
- Je dirais la course. Ça ne sert à rien de perdre du temps à s’attendre.
- Cool !
- J’ai une requête en revanche. Promets-moi de ne pas le tuer si tu arrives là-haut avant moi.
- Promis. De toute façon je n’ai pas d’arme mortelle sur moi.
- Je ne pense pas que tu aies besoin de ça, surtout après ce que tu as fait à l’autre type.
*Petit rire*
- Pas faux. Bref, j’y vais. On se retrouve là-haut ! »

Je lui souris avant de partir. Cette journée est soudainement devenue intéressante.

Je me déplace d’un étage à un autre comme une ombre. Je neutralise quiconque se met sur mon chemin, sans jamais les tuer. Puisque le policier n’a laissé aucune trace de son passage, je suppose que je suis devant. En même temps, je monte assez vite. Je lui laisse un petit message (« J’ai gagné. Au passage je te couvre. ») sur la porte du parrain avant d’aller me cacher. Il lui faut peu de temps avant d’arriver. Il regarde ma note et même s’il a le dos tourné, je sais qu’il sourit.

Il ouvre la porte d’un grand coup de pied dans la porte, sort son arme et la pointe sur le parrain.

« Police ! Mains en l’air ! »

Est-ce qu’au moins ils apprennent d’autres méthodes d’approche pendant leurs études ? C’est tellement dangereux et bas du front que ça ne me surprend plus qu’ils aient un taux de succès aussi faible, malgré la qualité de leur formation.

Etrangement, tout se passe mieux que prévu. Nous arrêtons le parrain sans problème.

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Je l’ai à nouveau croisée par la suite. Ce qui était une coïncidence a semblé devenir une habitude. J’imagine qu’elle me suivait à la trace ou quelque chose comme ça. Pour autant je ne pense pas que ma vie privée l’intéressait (elle aurait été déçue puisque je n’ai pas de vie). De ce que j’en ai vu elle espionnait essentiellement mes enquêtes. Je n’ai pas cherché à l’identifier. C’était impossible que je trouve une quelconque information à son sujet de toute façon. Je lui offrais certainement des opportunités pour mettre son talent à l’épreuve et elle me facilitait la vie en échange. Et ça me convenait parfaitement.

Ce petit ‘jeu’ a continué jusqu’à ce jour.

Elle était déjà là quand je suis arrivé. Armée et entourée de cadavres baignant dans leur sang.

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« Qu’est-ce qui s’est passé putain ?! »

Je peux entendre son cri couvrir les sirènes des autres policiers.

« Je n’ai rien à voir avec ça.
- Pourquoi tu as une arme ?
- Aucune idée. Je l’ai trouvée et récupérée au cas-où.
- C’est probablement l’arme du crime. Tu ne te doutais pas que c’était stupide ?
- Ecoute… Il y a des choses dont je ne peux pas te parler. J’avais mes raisons de prendre cette arme. Maintenant, si tu veux bien m’excuser… Il faut que j’y aille. Souviens-toi de ça : ce n’est pas moi qui ai massacré ces personnes. Je vais également faire en sorte que personne ne te suspecte de m’avoir laissé partir ou d’être corrompu. Ça implique de te frapper plusieurs fois et assez fort. Désolée. »

Je n’attends pas sa réponse. Ses collègues sont presque arrivés. Je le tape avec un peu de puissance. Il tente de se défendre. Parfait. Ça aura l’air d’un vrai combat. La porte s’ouvre alors que je le finis. Il tombe au sol, conscient et en assez bon état. Je n’aurais pas voulu abîmer son joli minois – pas que je sois sur lui ou quoi.

« Mains en l’air !
- Je ne me rendrai pas ! »

Je dois fuir. Je n’ai jamais été capturée et ça ne va pas changer aujourd’hui.

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Je ne l’ai pas vu depuis longtemps. Ça fait un an depuis l’incident. J’ai reçu quelques messages m’annonçant ses quelques progrès. Même si j’ai confiance en elle, je me demande si le jeu en vaut la chandelle.

En plus, depuis qu’elle n’est plus là, mes enquêtes sont redevenues des cauchemars. D’un taux de succès de 100% je suis revenu à environ 75%. C’est correct, mais ça fait toujours 25% d’échec de trop.

J’espère vraiment qu’elle a bientôt fini son enquête. L’enquête sur ce massacre est toujours ouverte et nous n’avons absolument rien trouvé.

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Un an. Une longue année que je me démène pour retrouver le grand malade qui a massacré ces gens. Mon enquête arrive à son terme désormais. J’espère que mon ami policier va m’aider. J’ai une bonne quantité de preuves mais il faut que ce soit lui qui s’en serve. J’imagine que je me paierai une visite dans un ou deux jours.

Ce que j’ai découvert est impressionnant. Il ne s’agissait aucunement d’un acte prémédité. Le meurtrier a ‘juste’ attrapé une arme et tué tout le monde avant de disparaître. Heureusement pour moi, il a laissé quelques indices que je suis parvenue à exploiter.

Maintenant je sais où le trouver et je peux prouver sa culpabilité.

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Elle est enfin revenue. Elle m’a expliqué l’histoire. Son travail est sérieux et ses preuves sont parfaites, à tel point que je ne devrais avoir qu’à montrer ces preuves à mon supérieur et à aller chercher le meurtrier. Ça me prend trois minutes pour le convaincre qu’il vaut mieux me laisser les équipes d’intervention en dehors de l’opération. Elle n’aurait pas apprécié une équipe d’intervention.

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« Nous nous rencontrons à nouveau.
- Oui. J’ai tout ce dont tu as besoin. Je te laisse étudier le dossier. Il faut aussi que tu te charges de convaincre ton chef de te laisser gérer l’opération. Je repasse demain.
- A demain alors. Et… Je dois dire que tu m’as un peu manqué.
- On en parlera quand ce sera terminé.
- D’accord. »

Je passe ma journée à prévoir l’opération. Il faut qu’elle soit parfaite. Nous n’aurons pas de seconde chance.

Je retrouve l’enquêteur le lendemain.

« Donc, c’est à moi de gérer l’intervention. Je suppose qu’il vaut mieux que je dise « c’est toi qui gère » ou éventuellement « nous gérons ». Ce serait plus vrai.
- Probable. J’ai tout prévu. Il faudra deux ou trois hommes pour surveiller chaque sortie du bâtiment avec interdiction de tuer. Ils ne devraient pas avoir à intervenir mais on ne peut pas se permettre de le perdre. Au passage, je crains que cette affaire soit plus complexe qu’il n’y parait.
- Sérieusement ?
- Je ne sais pas. Mais il faut considérer la possibilité.
- Ça marche. Je fais confiance à ton instinct.
- Merci. »

Je lui explique le plan. Il prend les meilleurs avec lui, même si leur rôle devrait se limiter à de la surveillance. Nous entrons tous les deux tandis que les autres attendent devant les entrées. Tout devrait parfaitement bien se dérouler mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce ne sera pas le cas.

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Elle avait raison d’émettre des doutes.

Quand nous arrivons, il n’y a personne. Rien à trouver non plus, si ce n’est un message écrit avec du sang : « Ça a commencé l’année dernière. Vous n’auriez pas dû essayer de me retrouver. Je ferai en sorte d’amener autant de personnes que possible en enfer. Vous en faites partie. » Une phrase par mur, deux cadavres livides au centre de la pièce. Ils ont été vidés de leur sang et le visage figé dans une expression de souffrance. Et rien de ce que nous trouvons n’est susceptible de constituer un indice.

Elle a choisi de continuer à le traquer.

« Je l’ai provoqué. Il va continuer tant que je ne l’aurai pas trouvé. Et il ne faut pas le prendre à la légère.
- Tant que nous ne l’aurons pas trouvé. »

Réponse idiote, mais ayant au moins le mérite d’être sincère. Sourire.

« Tu as raison. Allons le chercher ensemble. »

C’est certainement la première et la dernière fois qu’elle a déclaré que j’avais raison.

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Je ne peux pas accepter ça. Des personnes vont mourir par ma faute. Je me demande ce qu’il aurait fait si je n’avais pas essayé de le trouver… Dans tous les cas, il va falloir le capturer.

Il y a au moins une chose de facile à comprendre : un policier corrompu possède l’accès aux données de mon comparse. Il sait également que j’existe et tente de protéger celui que je pourchasse.

J’espère qu’en trouvant cette taupe je pourrai remonter au tueur. Ca va être une nouvelle enquête de longue haleine mais au moins je suis de nouveau libre. Ça signifie aussi que je peux aider mon ami sur d’autres cas – toujours officieusement.

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Le temps a passé. Avec son retour, mes enquêtes ont toutes été closes avec succès. Toutes sauf une.

Le tueur inconnu a récidivé plusieurs fois en tuant à nouveau des innocents, en laissant à chaque fois assez d’indices pour nous guider jusqu’à son prochain meurtre, mais pas suffisamment pour remonter sa piste.

Mon amie n’est pas parvenue à le traquer non plus. Je me sentais comme un spectateur dans l’affrontement entre Sherlock Holmes et Moriarty. L’affrontement entre deux génies tentant de battre son opposant. Et a ma grande détresse, j’étais incapable de donner l’avantage à l’un deux.

Ou plutôt, c’est ce que je pensais.

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Wow… C’était tellement évident que j’ai été incapable de voir ça.

Depuis le début il me donnait des informations évidentes sur sa position. Il avait laissé un message à peine caché derrière ces phrases écrites dans le sang. A ceci s’ajoute la localisation des meurtres, pointant systématiquement vers un lieu précis.

Par chance, mon ami policier a été capable de s’en rendre compte. Il reste que j’aurais pu le retrouver dès le début, et que des personnes sont mortes à cause de moi. Ce ne sera pas le cas cette fois.

Je vais lui rendre visite, et accompagnée. Il ne fuira pas cette fois-ci.

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C’était un pur coup de chance, mais je suis parvenu à découvrir comment rejoindre l’ennemi juré de mon équipière et amie. Il sera préparé, mais nous aussi. Je suis décidé à le coffrer.

Il nous a donné rendez-vous au sommet d’un immeuble immense. J’ai un mauvais pressentiment. J’ai l’impression de savoir ce qui va se passer, et ça me fait peur.

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Ça y est. Nous sommes au sommet du monde, ou au moins de cette ville. Il m’attend patiemment. Il sait que je suis accompagnée. Mon ami est en train de chercher d’éventuels pièges aux alentours, bien que je lui aie dit que ce ne serait pas le cas.

Je m’arrête face à lui.

« Vous voilà enfin ! Vous avez pris votre temps !
- La ferme ! Pourquoi avez-vous fait ça ?
- Tenez votre langue. La première fois n’était qu’un test que vous avez passé avec succès. Les suivants visaient simplement à défier votre ‘intelligence’. Ça vous a pris assez longtemps pour comprendre mes messages que je voulais évidents.
- Je vous considérais intelligent et dangereux. Je ne pouvais pas songer à de telles manœuvres.
- La meilleure façon de cacher quelque chose est de l’offrir au regard de tous.
- Pas faux.
- Vous savez ce qu’il arrive ensuite ? Allez-y expliquez ça à votre ami, il vient d’arriver.
- … Je suis désolée. »

Je vois dans son regard qu’il vient de comprendre quelque chose.

« Je sais pourquoi tout ça avait un air de déjà vu ! S’il te plait, ne fais pas ça ! »

Je le regarde. Il y a tellement de détresse dans ses yeux… Mais peu importe ce qu’il fait, nous savons tous comment cela va se terminer. Le plus tôt sera le mieux. Je fonce sur mon rival. Je l’attrape et ne me dirige en direction de la rambarde.

« Ne fais pas comme lui !
- QUI CROIS-TU QUE JE SUIS ? »

THE END